Climat, le poids des mots contre le choc des vidéos

Juste un cyclone, sans contexte.

Cowspiracy, Planet of the Humans, Dominion, An Inconvenient Truth… Aujourd’hui, des dizaines de documentaires traitant du climat, de la biodiversité et de la souffrance animale peuvent être visionnées gratuitement sur Internet, que ce soit sur des plateformes comme YouTube ou Netflix, ou bien en streaming. Et le moins que je puisse dire, c’est que j’ en ai regardé beaucoup. Ces sujets m’intéressent, et les visions parfois opposées permettent de se faire une idée personnelle d’un sujet. On ne va pas se mentir non plus, c’est plus facile de se poser 1h30 devant un doc rempli de belles images que de se farcir un bouquin de 500 pages ! Pourtant un élément revient assez régulièrement, une impression qui se répète et qui personnellement me dérange car utilisée de façon abusive.

Cet élément est le pathos. Bon on s’arrête 30 secondes sur ce mot, vous devez vous demander de quoi je peux bien parler. Ne vous inquiétez pas, je vais tout vous expliquer. Pathos est un terme qui vient du grec ancien et qui signifie la passion, la souffrance. Ainsi, pour Aristote, dans un discours, le pathos est un mode de persuasion basé sur l’émotion ressentie par celui qui écoute, s’opposant ainsi à l’ethos, qui fait appel à la crédibilité de celui qui parle, et au logos, le raisonnement logique, les arguments. Pour le cours de grec ancien, c’est terminé, ce n’est pas trop le sujet ici. Là où je veux en venir, c’est que de nombreux documentaires remplacent des faits et des chiffres vérifiables par des plans impressionnants et des musiques larmoyantes. Sortez les violons, braquez les caméras sur des images de souffrance, et c’est parti pour le show ! Et surtout n’oubliez pas les mouchoirs (pour pleurer) ou même un seau (pour vomir, parfois) !

Pour illustrer ce que je viens de dire, je vais vous parler du dernier documentaire de Michael Moore, Planet of the Humans. Ce documentaire est une critique des énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse) et des associations de protection de l’environnement, accusées de conflit d’intérêt. Il a le mérite d’évoquer certains sujets importants comme l’intermittence de ces énergies, ou bien le green washing souvent lié aux voitures électriques. Pour l’instant, on ne voit pas trop où est le problème. Sauf que si on ne fait pas attention, on peut se laisser avoir et développer une vision incomplète et biaisée des choses ! Par exemple, un passage indique les matières utilisées pour construire les panneaux photovoltaiques, avec comme illustration des mines gigantesques, des enfants-ouvriers et d’autres choses pas très belles, tout cela accompagné d’une musique bien stressante (vous pouvez le voir ici, 36:50). Et personnellement ça me dérange, car en voyant cela le spectateur pensera tout de suite que ces sources d’énergie sont tout droit sorties de l’enfer. C’est oublier que sur leur durée de vie, elles font partie des énergies les moins polluantes à fabriquer, avec les centrales nucléaires et les barrages… Et s’il y a des choses à critiquer (et il y en a), ce n’est pas de cette façon, en jetant des images sans contextes, qu’il faudrait le faire !

Dominion et Planet of the Humans, deux documentaires qui selon moi abusent de l’émotion pour persuader le spectateur (Vous pouvez voir Dominion et Planet of the Humans gratuitement sur YouTube)

Un autre documentaire, dont la cause défendue se rapproche plus de la mienne (comme ça pas de parti pris, comme pour les énergies renouvelables), m’a donné le même sentiment de malaise. Il s’agit de Dominion, sorti en 2018, et qui dévoile en 2h de film ce qui se passe dans les abattoirs en Australie. On peut comparer cela aux vidéos de L214 en France. J’ai commencé à le regarder, mais j’ai dû m’arrêter au bout de 15min, ne voyant pas l’intérêt d’observer des images assez horribles de ce qui s’y passe (je vous épargne les descriptions glauques, le doc est dispo sur YouTube). Alors que je suis moi-même végétarien, je ne vois pas comment ce type d’images peut aider les gens à réduire sainement leur consommation de viande. Soit ils sont ouverts et déjà convaincus, et alors il n’y a pas besoin de cela. Soit ils refusent de changer leurs habitudes, et la vue de ces images peut entraîner chez eux une sorte de dissonance cognitive, c’est-à-dire qu’ils vont complètement se fermer et réfuter tout argument de changement.

Le point n’est pas ici de dire qu’il ne faut pas mettre d’émotion dans ces reportages, sinon il faut bien avouer que ce serait bien ennuyeux à regarder. On se souvient tous de ces documentaires diffusés au collège et devant lesquels on s’endormait dès les premières minutes, bercé par la voix monotone de leurs présentateurs. L’émotion est nécessaire pour attirer l’attention du spectateur, mais elle doit être là pour illustrer un propos, un fait vérifiable. Montrer les ravages de la déforestation due aux cultures de soja pour nourrir le bétail, oui. Voir un cochon se faire égorger pour nous dégoûter de manger de la viande, non.

La question que l’on peut se poser alors, c’est à quel moment peut-on considérer que ce que l’on regarde sont des faits avérés et généralisables, ou bien de la manipulation par l’image. Il suffit alors de se balader le soir, très tard, sur les chaînes de télé (disons RMC Découvertes) et regarder par exemple un petit doc sur les théories aliens liées aux temples mayas, pour comprendre que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux images. Une coïncidence, une image prise à un moment précis, à un endroit spécifique, ne peut pas être généralisé partout. On peut comparer cela à cet ancien tweet de Donald Trump qui se basait sur une tempête de neige aux Etats-Unis pour remettre en cause le réchauffement climatique mondial. De cette manière, pour revenir à un autre de mes précédents articles, il joue sur un de nos biais cognitifs connus, l’erreur de la tendance anecdotique, qui nous pousse à se servir d’un fait isolé comme preuve suffisante d’une généralité plus complexe. Et certains documentaires utilisent également ces mêmes biais, comme vu plus haut.

La tempête de neige qui a frappé les Etats-Unis en Février 2017 (Photo: Bryan R. Smith/AFP, https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/tempete-de-neige-aux-etats-unis/)

Alors comment ne pas se laisser manipuler par les images et développer un vrai sens critique ? Je vais ici vous proposer quelques actions que vous pouvez effectuer, et que j’effectue moi-même. Bien entendu, ce que je vais dire là n’est pas une vérité absolue, mais plutôt un avis personnel, un partage d’expérience.

Le premier est de ne pas se faire une idée figée à partir d’un seul documentaire ou d’un seul livre, mais d’en regarder le plus possible. Pour un même sujet, il y a plein de visions différentes, plusieurs manières d’appréhender un problème. Et ainsi une solution n’est pas forcément meilleure qu’une autre, et dépend essentiellement du contexte. Cela est particulièrement vrai pour tout ce qui tourne autour des énergies. Le cas de la France est différent de celui de la Chine, qui est lui-même différent de celui du Ghana ou du Brésil. Construire une centrale nucléaire serait contre-productif dans un pays très chaud, et de la même manière il est peu utile d’installer des panneaux solaires en Finlande, où les nuits sont très longues en hiver.

La seconde approche est de rester toujours curieux, de s’intéresser à tous les domaines, même ceux qui ne sont pas les nôtres. L’écologie touche aujourd‘hui plein de thèmes différents, si ce n’est tout ce qui nous entoure aujourd’hui. Et par conséquent, nous nous devons de rester flexible et avoir une vision globale des choses. Et c’est également de cette manière que je vois l’écriture de mes articles. Je cherche à ne surtout pas m’enfermer sur un domaine en particulier, mais plutôt à toucher le plus de monde possible, et en restant ouvert à la critique. D’ailleurs un point qui rejoint celui-ci est de s’intéresser également aux thèses opposées aux nôtres, afin de toujours en cause ses croyances et consolider ses connaissances.

Enfin le dernier point est de fact checker les informations que l’on reçoit et de ne pas les prendre directement comme des vérités. Internet est un champs immense de connaissances, mais également de fausses idées. Si une information vous semble douteuse, n’hésitez pas à aller vérifier sa véracité. Une petite recherche rapide sur Google suffit généralement. Il existe aussi aujourd’hui des sites spécialisés dans le fact checking, comme factcheck.org, ou des rubriques sur des sites média dédiées à cela (Desintox de Libération, les Décodeurs du Monde ou l’AFP). Vérifiez, vérifiez, vérifiez, on ne nous le répétera jamais assez ! (cela vaut d’ailleurs aussi pour cet article, mais soyez indulgent s’il vous plaît ^^)

Pour conclure cet article, je reviendrai sur son titre, « Le poids des mots contre le choc des vidéos », petit détournement rigolo du célèbre slogan du magazine Paris Match. Et je le corrigerai. Les deux ne s’opposent pas, mais se complètent plutôt. Des mots sans images, c’est triste et ennuyeux (c’est pourquoi je rajoute toujours des illustrations à mes articles hihi). Mais des images sans mots peuvent être mal interprétées. Voilà pourquoi il faut utiliser des images fortes avec des mots forts. Mais ne vous trompez pas, ce qui est important reste le message que vous voulez transmettre, les mots, le cœur de votre pensée, et non les images qui ne sont qu’une perspective du monde actuelle. Et enfin je finirai par ces huit lettres : AGISSONS. Ah oui, gardez le sourire aussi, c’est important. 🙂

PS : j’ai développé ces dernières semaines un petit projet perso Son but est d’aider ceux qui veulent agir de façon quotidienne pour le climat, en combattant les principales sources de pollution :
1) Le Transport (moins de voiture, pas d’avion);
2) L’Industrie (notre consommation et nos déchets);
3) L’Agriculture (et donc notre alimentation);

Je ne vous en dis pas plus, ça va arriver très vite !

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